Je travaillais pas aujourd'hui, j'étais quand même chanceux faut dire avec mon boulot je faisais les horaires que je voulais, alors si un jour ça me disait rien de me lever, j'allais bosser de nuit et puis voilà. Un plaisir. Et comme j'étais plutôt du genre à ne pas aimer travailler, j'étais souvent en vacance. Limite mes employeurs, ils s'en fichaient un peu, ils me payaient selon le travail que je faisais alors, si je n’en faisais pas beaucoup, ils avaient moins de frais à débourser. Tout le monde y gagnait et tout le monde était content. Moi le premier. Et puis c'est pas comme si de l'argent j'en avais besoin, les courses illégales c'est un revenu bien plus que suffisant, enfin, à condition qu'on gagne, sinon c'est plutôt une perde d'argent. Je me débrouillais bien dans mon cas, c'était moins dur quand Daren n’était pas de la course, bien que moins amusant aussi. D'ailleurs ça faisait un moment que je ne l'avais pas vu celui-là. J'allais pas me plaindre, c'était mieux que de ne pas le voir du tout c'est certain, mais depuis qu'il était lui aussi en Australie, je pouvais presque espérer que tout reviendrait comme avant l'accident. J'étais trop fier pour, mais il y a bien des fois où je me disais que j'aurais aimé le remercier de ne jamais m'avoir reproché de ne pas avoir été là. Enfin reproche ou pas, je m'en voulais et je voulais plus faire d'erreur, parce que perdre mon frère, je crois que je le vivrais mal, vraiment très mal. Il était ma seule famille aussi bien le dire. D'ailleurs, parlant de frère, on avait toujours été honnête l'un envers l'autre, enfin on se disait pas tout c'est certain on est des mecs quand même, mais bon les coups bas dans le dos de l'autre on faisait pas. Du moins, il ne faisait pas, que je sache. Moi par contre...Bon j'étais déjà pas un mec spécialement honnête à la base, mais avec lui, j'avais un peu honte. Si vous n’avez toujours pas comprit, oui j'ai un truc à me reprocher. Un tout petit truc, pas grand chose. Enfin, j'avais franchi une limite que je savais ne pas devoir franchir. Et bien sur je ne lui avais pas dit, parce que pas envie qu'il m'en colle une, ou qu'il m'en veuille. Habituellement, les cas de conscience ce n’est pas trop mon truc, je vis très bien avec, mais dans ce cas, ça me trottait toujours dans la tête, même si l'histoire commençait à dater. Cela dit, je pourrais très bien continuer comme ça en n'avouant rien, ça n’allait pas me tuer, mais en même temps, j'avais envie de tout lui avouer. De cette façon, je pourrais arrêter de faire semblant d'être un saint ou de craindre qu'il l'apprenne de quelqu'un d'autre. Après tout on dit bien, faute avouée est à moitié pardonnée. Le problème, c'est que j'avais aucune idée de comment il allait le prendre. Très mal je me disais, après tout Anna c'était sacré pour lui. Et puis entre-nous, se faire la sœur de son meilleur pote, c'est tabou, faut pas, c'est presque aussi pire que de se faire sa copine. Et rassurez-vous, à elle j'ai pas touché ! Enfin de toute façon, c'est tellement compliqué leur truc, je ne sais même pas si Naya est sa copine ou pas. Bref, je lui avais envoyé un texto pour savoir où il était. La réponse n’avait pas tardé à tomber. La plage. Oui bien sur, j'aurais du me douter. Après quoi, je sautais vite fait dans ma caisse et filait direction la place avec la ferme intention que cette fois j'allais tout lui avouer...du moins pour le moment j'en avais le courage. Une fois devant lui je sais pas. Arrivée, j'achetais deux bières au passage et me mettais à sa recherche. Je le trouvais assis sous un palmier un peu plus loin, alors que deux blondes, qui devaient être venu lui parler, s'éloignaient. Je m'approchais et une fois à sa hauteur, lui tendit une bière.

«Alors t'es venu ici que pour mater les bikinis ? Ou les monokinis...»

Je lui souriais avant de m'asseoir dans le sable à mon tour. Habituellement lui parler c'était pas un problème, mais avec ce que j'avais à lui dire, étrangement, je ne savais pas trop comment engager le sujet, ni même si j'avais vraiment l'intention de le faire.

«Alors quoi de neuf ?...T'as revu Anna dernièrement ?»

Bon c'était moyen, mais fallait pas trop que je tourne autour du pot sinon j'allais me dégonfler avant de lui avoir dit quoique ce soit. Et ce serait tout à recommencer. Oui, je vous jure, ça prend une vraie préparation mentale pour réussir à se conditionner à lui dire que j'ai osé poser la main sur sa sœur.

L'image était peut-être un peu forte, mais j'avais l'impression d'être un condamné à mort qui se rendait à son exécution. Je vous jure, je n’étais franchement pas au dessus de tout ça, j'avais beau me dire, Daren c'est mon frère, il ne m’éclatera pas, mais je n’avais jamais autant douté de quelque chose. Parce que je le connaissais depuis tout petit, je l'avais vu agir envers Anna, et il prenait ça au sérieux. C'était un peu comme si j'avais osé toucher à ce qu'il avait de plus précieux. En même temps, je n’étais pas obligé de faire ça. Je pouvais lui dire un autre jour. Ouais, un autre jour. Non, fallait pas que je me défile, j'avais décidé de lui dire aujourd'hui, j'allais le faire. J'étais quand même pas lâche à ce point. Si ? Enfin non, c'était Daren quand même, et Anna c'était sa sœur, je lui devais la vérité et à la limite je passerais quelques heures avec de la glace sur la gueule ou à l'urgence selon la gravité de sa réaction. Alors je me posais dans le sable, retournant mes paroles dans tous les sens pour essayer de trouver une façon acceptable de lui dire ça. Parce que voilà, j'étais pas pour lui donner une tape dans le dos et lui lâcher j'ai baisé ta sœur, aussi bien de signer moi-même mon avis de décès. J'ouvrais ma bière, alors qu'il répondait à ma première question, à propos des bikinis. Parce que oui, on est en Australie là, des bikinis, ce n’est pas ça qui manque dans le coin. Apparemment, il était venu que pour se poser. Moi ? J'étais venu me faire tuer. Je souriais. Jusqu'à maintenant ça allait, je maîtrisais.

«J'aurais adoré te dire que je suis venu t'admirer toi mais...» je pointais des filles un peu plus loin. «...la vue est bien meilleure.»

Ou encore, c'était vraiment con de lui dire ça alors que je m'apprêtais à lui annoncer avoir couché avec sa sœur. Je n’étais franchement pas doué, les gaffes je les accumulais. Et si tôt après, je lui demandais s'il avait revu Anna. Gaffe numéro deux vous me direz. Parce qu'il me demanda si je faisais exprès ou si j'étais juste con. Là tout de suite, je dirais la deuxième option. J'étais un crétin, ça n'allait surprendre personne que je le dise, mais habituellement je me débrouillais quand même un tantinet mieux que ça. Je réfléchissais pas trop non plus, une partie de ma tête étant toujours absorbé à trouver une façon convenable d'avouer mon crime, si façon convenable il y avait dans cette situation. Je regardais en direction de l'eau quelques secondes, avant de le regarder à nouveau.

«Ouais, désolé c'est con, j'ai pas fait gaffe.»

Et là, chute libre. Vous savez dans les dessins animés, l'image du petit avion qui s'écrase avec le bruit sonore en arrière plan et le boom à la fin. Bah, j'avais l'impression que ça se jouait dans ma tête à ce moment précis. J'avais le goût de disparaître, de descendre six pieds sous terre et surtout, j'avais perdu toute envie de lui dire quoique ce soit. Oui parce que je ne savais pas trop si c'était le "encore heureux que t'aies pas craqué dessus" ou le "j'aurais du te tuer" qui me fit perdre mon assurance, mais une chose était sur, je me sentis virer au blanc. Je détournais mon regard de lui et le posait sur un palmier plus loin, oui même pas les filles, plus envie de mater d'un coup. Et encore heureux que je n’étais pas en train de boire une gorgée de bière, je me serais sûrement étouffé avec. Je forçais un sourire -plus coincé que jamais-. Il ne volait pas bien haut là le petit Rhys.

«Ouais...ce serait vraiment dommage.» Je trouvais le courage -va savoir ou j'avais été le chercher- pour le regarder à nouveau, tout en tripotant nerveusement la bouteille dans mes mains. «En fait, je voulais te parler d'un truc à propos de...je voulais te le dire avant mais j'attendais le bon moment, et je l'ai pas vu se pointer. En fait je...j'ai...couché avec Anna à Mexico.»

Limite je me serais presque fermé les yeux, attendant le coup tomber, mais j'arrivais à continuer à le fixer, sans bouger. Et ça c'était con, parce que partir à courir aurait sans doute été une idée bien plus qu'intelligente. Enfin, c'était dit maintenant, impossible de revenir en arrière j'allais devoir vivre avec les conséquences. J'avais horreur de cette idée.